Echanger, c’est donner et recevoir – des biens s’il s’agit de commerce, des idées s’il s’agit de dialogue. Ces échanges sont le contraire de la guerre, où l’on prend sans donner, où l’on impose sa position sans écouter celles des autres. Mais les ventes d’armes et les échanges d’injures ne sont pas moins contraires à la paix.
Dans quelle mesure les échanges ont-ils un effet bénéfique sur les relations entre les Etats et entre les individus ? Suffit-il d’échanger pour ne plus se battre ? Bref, quel effet politique peut-on espérer de l’économie et de la culture ?
L’ignorance est source d’hostilité et d’incompréhension. Faute de s’intéresser aux autres cultures, nous les trouvons ridicules et barbares. De cet ethnocentrisme brutal dérivent toutes les formes de rejet de l’autre. A l’inverse, la connaissance que deux cultures prennent l’une de l’autre est déjà une forme d’amitié et de reconnaissance mutuelle.
Et c’est une idée chère aux Lumières que le commerce favorise la paix. Montesquieu remarque que les relations commerciales supposent un besoin réciproque des nations, en sorte que chacune a intérêt à demeurer en bons termes avec les autres. Le peuple phénicien, qui était le plus grand peuple commerçant de l’antiquité, était aussi le moins belliqueux.
On objectera que l’industrie de l’armement présente un intérêt économique tout en favorisant la guerre. Malgré les théories de la dissuasion, la prolifération des armes de destruction massive apparaît comme une menace. Certains trafics ont en outre intérêt à ce que les conflits durent.
Même en accordant que les échanges favorisent l’entente entre pays, ils ne sont sans doute pas aussi favorables à la paix civile. Car le développement des relations commerciales engendre la concurrence et crée de nombreux litiges. Selon Montesquieu, ce qui unit les nations divise les citoyens.
Il ressort que l’intérêt n’est pas une garantie suffisante de la paix, qui pour être durable doit reposer sur la volonté de s’unir. Les relations commerciales dissuadent de faire la guerre et font aimer la paix – mais seulement comme un moyen, avec lequel il est donc toujours possible de transiger. Or, la paix n’est-elle pas une question de principe ?
Mais s’il est douteux que l’intérêt soit un fondement suffisant de la paix entre les hommes, le commerce et même les conflits d’intérêt ont pour conséquence le développement du droit et de la législation. Or, s’il est vrai que la paix internationale est inséparable du droit, on peut considérer que la justice des échanges, si elle ne produit pas la paix, du moins la prépare.
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