mardi 15 janvier 2008

Hommage à un libéral bordelais, fondateur du libéralisme politique ainsi que de la sociologie moderne : MONTESQUIEU

Fondé sur la valorisation de l'individu et sur l'égalité juridique, l'idéal démocratique moderne émerge à l'aube du XVIIIe siècle d'une nouvelle conception de l'Homme: libre et doué de volonté autonome, celui-ci n'est plus soumis à la divine Providence. La liberté est définie comme une faculté inhérente à la personne humaine et se réalise pleinement à travers la reconnaissance de droits naturels, inaliénables et sacrés. Cette conception, qui ébranle la société d'ordres et de privilèges de l'Ancien Régime, est solennellement affirmée dans la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, qui proclame que «les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit».

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Une doctrine libérale

Les grands principes d'organisation du pouvoir - fondés sur une définition restrictive du peuple, sur le système représentatif et sur le caractère exclusivement politique de la démocratie - auxquels se référaient les premières démocraties relèvent d'un large courant intellectuel issu de Locke et de Montesquieu.

Une démocratie parlementaire

Selon la doctrine de la démocratie libérale, le peuple souverain ne s'identifie nullement avec la réalité sociologique de l'ensemble des individus. En effet, dans le souci de n'accorder des droits politiques qu'à des individus jouissant d'une autonomie réelle, donc détachés des contraintes matérielles (tels les propriétaires ou les personnes payant un impôt) et des liens de dépendance sociale, les pères fondateurs des institutions américaines comme les révolutionnaires de 1789 vont prôner le suffrage censitaire. Si en France le suffrage universel masculin est admis dès 1848, les Etats-Unis n'ont renoncé qu'en 1964 au système des «poll-taxes», qui maintenait dans certains Etats un cens électoral. Par ailleurs, à la notion de «peuple», la doctrine libérale substitue celle de «nation», conçue comme un être abstrait, indépendant des contingences économiques et sociales (Sieyès). Erigée en souverain, la nation ne peut s'exprimer que par l'intermédiaire de représentants.

Dans le système de démocratie représentative adopté par les sociétés modernes, les citoyens n'exercent donc qu'indirectement le pouvoir. Par l'intermédiaire d'élections aux modalités diverses, ils désignent ceux qui seront chargés d'exprimer leur volonté. Les rapports entre les individus et le pouvoir sont ainsi médiatisés. Les représentants élus déterminent la loi imposée à tous. Dès lors, la démocratie libérale prend la forme d'une démocratie parlementaire, où tout un ensemble de mécanismes institutionnels - séparation des pouvoirs (conformément à la théorie de Montesquieu), soumission des gouvernants à la loi, élections libres, respect des droits de l'Homme - protège la société contre l'arbitraire du pouvoir.

Une démocratie politique

Enfin, l'action du pouvoir libéral se limite à la sphère politique, qui est nettement dissociée du champ économique et social. Pour les libéraux, la démocratie a pour finalité de garantir l'épanouissement des droits inhérents à la personne humaine: le pouvoir doit assurer par des moyens légaux le respect des libertés afin que les relations sociales entre les individus, juridiquement égaux, se développent librement. Les individus ne doivent compter que sur eux-mêmes pour réaliser leur destinée. Contrairement à la démocratie américaine, très attachée dès sa naissance à la vie associative, au lendemain de l'Ancien Régime, caractérisé par ses corporations et ses confréries, les groupements et associations sont interdits en France. Mais les bouleversements socio-économiques du XIX e siècle infléchiront considérablement la doctrine de la démocratie libérale.

MONTESQUIEU
Sa vie (cliquez)

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S'appuyant sur la méthode expérimentale, Montesquieu définit les lois comme des «rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses»; elles expliquent rationnellement les rapports constants de la création divine, de la physique, de la vie animale, mais aussi des hommes, même si la nature passionnée, l'ignorance et la liberté humaines conduisent à leur violation et à la révision des lois morales, politiques et civiles.
A la différence de Hobbes, Montesquieu croit à une sociabilité naturelle et considère qu'avec les sociétés commence la formation de lois positives, distinctes selon leurs objets: le droit des gens, qui règle les rapports des nations, le droit politique, qui établit les rapports entre gouvernants et gouvernés, et le droit civil, qui organise les rapports entre les citoyens. En énonçant des rapports, les lois inscrivent l'infinité des cas particuliers dans un système rationnel général. Elles sont ainsi relatives au physique d'un pays, à son climat, à ses mœurs, à son économie, à la religion qu'il pratique, aux valeurs, et, surtout, à la nature et au principe de son gouvernement. Cet ensemble de rapports forme l'«esprit des lois», qui doit être en harmonie avec la nature et la liberté humaines.
Les systèmes de lois

Montesquieu reprend la traditionnelle typologie des régimes politiques - république, monarchie, despotisme - afin de définir leur nature, et surtout leur principe d'action, essentiel pour comprendre leurs systèmes de lois respectifs. Au sein du régime républicain, il distingue les formes démocratique et aristocratique selon que la souveraineté appartient à tous ou à quelques-uns. Le pouvoir monarchique est pratiqué en relation avec des lois fondamentales et à travers des corps intermédiaires. Le despotisme, quant à lui, est exercé par un seul pour son seul plaisir. Cette typologie permet d'établir une seconde distinction, nouvelle, entre les gouvernements républicain et monarchique, qui sont susceptibles d'être modérés, tandis que le régime despotique, contre nature, est déréglé. Plus que cette catégorisation, c'est la mise en évidence du «ressort» de chaque gouvernement qui est nouvelle. Le régime républicain a pour principe la vertu, qui rend compatible l'exercice de la souveraineté par le peuple et son obéissance; aussi modère-t-il le pouvoir des aristocrates. L'honneur est le principe de la monarchie parce qu'il forme et maintient distinctions et rangs sociaux. Enfin, limitant les ambitions des aristocrates et contraignant le peuple, la crainte est le principe du despotisme. La combinaison des natures et des principes des gouvernements rend possible la modération de la république et de la monarchie, et marque l'extrême dérèglement du despotisme, que seule la religion peut brider. Les gouvernements modérés doivent établir les lois nécessaires à la conservation de leurs principes contre le péril de leur corruption en despotisme.

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La liberté par la modération

La liberté politique, relative au rapport entre le citoyen et la Constitution, et la liberté civile, qui concerne le rapport entre le citoyen et les lois, forment l'objet essentiel de De l'esprit des lois. Affirmant que «tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser», Montesquieu tente de trouver les moyens par lesquels «le pouvoir arrête le pouvoir» et de garantir par là la liberté des citoyens. La Constitution de l'Angleterre, établie sur la séparation des pouvoirs, fournit un modèle de gouvernement modéré dont le but est la liberté.

La distribution des pouvoirs

Montesquieu distingue le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, mais il attache aussi une importance capitale à la distribution des pouvoirs de l'Etat: pour éviter qu'une partie de la société ne craigne une autre partie, chacune d'elles doit disposer au moins d'un pouvoir; d'autre part, il convient d'établir des liens fonctionnels entre législatif, exécutif et judiciaire. C'est pourquoi chaque pouvoir aura une double faculté: celle de statuer et celle d'empêcher. Ainsi, aucun d'eux ne saurait statuer sans être en même temps empêché par le contrepoids de l'un des autres. En fait, c'est leur collaboration qui réalise la sécurité des hommes et qui les protège contre les abus du pouvoir.

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Le libéralisme politique

Mais l'opposition inaugurée par Montesquieu entre pouvoir et liberté, qui fait de lui l'un des fondateurs du libéralisme politique, ne se réduit pas à la séparation des pouvoirs. Dans la lignée de Locke, il considère que la représentation politique offre «la meilleure espèce de gouvernement que les hommes aient pu imaginer». Exécutif et législatif forment deux partis parmi les citoyens libres et jaloux de leur indépendance. Pour conserver celle-ci, les citoyens équilibrent la puissance des deux partis. Ainsi placés dans une haine réciproque impuissante, les pouvoirs se maintiennent sans jamais nuire à la liberté. Le principe de modération se traduit dans ce modèle, d'une part, par la distribution des pouvoirs de l'Etat, d'autre part, par la représentation de citoyens libres. En recherchant «la tranquillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa sûreté», qui définit la liberté politique, Montesquieu découvre la capacité des lois à garantir la liberté.


Charles-Louis Secondat, baron de Montesquieu (1689-1755)

La liberté de tous

Dans la conception libérale du magistrat, la liberté signifie le droit non pas de tout faire mais «de faire tout ce que les lois permettent; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir». Inscrite dans la légalité, la liberté se définit négativement, par l'absence d'empiétement sur les libertés d'autrui. Elle est la conséquence non pas d'un régime politique spécifique mais de la modération des gouvernements qui règle la liberté d'indépendance et les excès du pouvoir. Montesquieu étudie donc avec une attention particulière les lois pénales et fiscales qui portent sur la situation du citoyen dans la vie civile et qui permettent au gouvernement d'assurer la liberté de tous.

L'esprit général d'une nation

Montesquieu est autant un sociologue qu'un penseur politique et un philosophe de l'histoire. L'écrivain politique attribue une influence déterminante aux facteurs géographiques sur la mentalité d'une nation et sur l'esprit des lois. Il inaugure ainsi une théorie des climats et des terrains, selon laquelle les sociétés humaines varieraient en fonction de facteurs physiques dont les conséquences doivent être contrebalancées par les législateurs: les lois ont à lutter contre les tendances négatives générées par la chaleur ou le froid asiatiques, mais elles sont appelées à conserver les effets bénéfiques du climat tempéré. Montesquieu établit ainsi une opposition entre l'Asie et l'Europe, dont les climats respectifs font de la première le terrain d'élection de la servitude et de la seconde celui de la liberté.

Cette hypothèse inédite, ancrée dans l'esprit des Lumières, selon laquelle les différences géographiques et le niveau d'exploitation des terres participeraient au degré de liberté des peuples, à l'évolution de leurs mœurs et à la formulation des lois civiles, s'inscrit dans une théorie, plus globale, de «l'esprit général d'une nation», que Montesquieu définit tout à la fois par «le climat, la religion, les lois, les maximes du gouvernement, les exemples des choses passées, les mœurs, les manières».

L'économie

L'économie est un moyen fondamental des sociétés pour modérer le pouvoir politique. Ainsi, le commerce et la monnaie, bannis des sociétés despotiques mais favorisés par les gouvernements modérés, constituent une forme de communication entre les nations: ils adoucissent les mœurs et contribuent à la paix, dans la mesure où ils rapprochent les peuples en tenant compte de leurs intérêts réciproques.

L'histoire et l'esprit des nations

Montesquieu, pour qui la grande diversité des lois et de la nature des gouvernements tient à la variété des faits sociaux qui les déterminent, est un philosophe de l'histoire, ni fataliste ni relativiste. Dans le tableau qu'il dresse de l'histoire des peuples, des institutions et des mœurs, l'ensemble des facteurs qui forment l'esprit général des nations obéit à une causalité rationnelle, déjà perceptible dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence. Selon lui, il règne un équilibre entre les diverses causes: « Quand les unes agissent avec force, les autres leur cèdent d'autant .» Aussi reconnaît-il aux hommes la capacité d'infléchir et de corriger toutes les tendances qui s'écartent du principe des gouvernements modérés et qui conduisent au despotisme.

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